Mardi 11 août 2015. Nous sommes accueillis à l’école Sainte Marcelline de Glo par sa fondatrice, sœur Clarisse, une religieuse brésilienne de l’ordre de Sainte Marcelline. L’école est située à une dizaine de kilomètres d’Agonsoundja. Nous profitons de l’occasion pour lui poser quelques questions sur sa mission, la genèse de l’école, les difficultés auxquelles elle a pu être confrontée et comment elle perçoit l’éducation que reçoivent les enfants de la région.
Soeur Clarisse, comment êtes-vous arrivée ici ?
La supérieure de notre Congrégation a fait un appel général aux sœurs car elle cherchait à envoyer quelqu’un au Bénin pour fonder une école. Je ne connaissais pas du tout l’Afrique, mais j’étais disponible à ce moment-là. Je me suis proposée. Ne parlant pas français, j’ai commencé par faire un stage de langue au Canada, puis en Italie. Je suis arrivée au Bénin en 2006 avec une autre soeur, dans la paroisse de Glo où j’ai rencontré le P. Hervé. Rapidement j’ai commencé à faire construire l’école.
Comment s’est passée l’ouverture de l’école ?
Au début nous vivions à deux sœurs dans une petite maison de la paroisse et nous avons commencé par construire une classe pour accueillir les enfants. Nous avons d’abord ouvert une classe de maternelle. Le succès a été immédiat, nous avons tout de suite eu beaucoup de demandes d’inscription. Nous avons par la suite ouvert une nouvelle classe par an. A la rentrée prochaine nous commençons une classe de cinquième, avec un nombre total d’élèves de 420. Nous employons une trentaine de salariés pour l’enseignement et l’encadrement.
Comment avez-vous construit les bâtiments et quelles difficultés avez-vous rencontré ?
La Congrégation finance l’ensemble de la construction. Nous avons travaillé avec une architecte italienne qui a fait les plans et les a envoyés à notre chef de chantier ici. L’architecte est venue régulièrement contrôler le travail sur place. Nous avons eu des problèmes avec un premier chef de chantier qui n’a pas respecté la profondeur des fondations du bâtiment, ce qui nous a obligés à le détruire et à le reconstuire entièrement. Aujourd’hui, nous avons un peu ralenti le rythme de construction. Le bâtiment en cours de construction contiendra un gymnase, une bibliothèque et un laboratoire pour l’enseignement des sciences. Le conseil que je pourrais vous donner est de construire petit à petit, car en habitant les lieux on se rend mieux compte de ce qui est important et cela permet d’orienter ou de mieux dimensionner les futurs bâtiments.
Comment se passe l’année scolaire et quelle est la spécificité de votre établissement ?
Nous commençons l’inscription des enfants en juillet pour les clôturer en septembre. Les parents ne sont pas très disciplinés quand il s’agit de respecter des délais d’inscription ! Nous favorisons les enfants déjà inscrits ainsi que les petits frères et sœurs. Mais nous avons beaucoup plus de demandes que de places. La spécificité de notre établissement, outre le fait d’être un établissement privé dépendant d’une Congrégation religieuse catholique, est que nous servons un déjeuner aux enfants tous les jours. Les frais de scolarité sont de 60 000 FCFA par an et par enfant. Mais nous éprouvons des difficultés à les percevoir. Nous avons essayé de proposer aux parents de prendre leur enfant à l’école contre un service (par exemple faire un peu de défrichage) mais cela ne fonctionne pas.
Quelle est la place du jeu et du loisir dans l’éducation des enfants ?
Au Bénin les enfants ont peu l’occasion de jouer. On les met au CP dès 3 ou 4 ans, et ils doivent rester assis toute la journée et redoubler jusqu’à ce qu’ils aient le niveau pour passer à la classe supérieure.
De notre côté, nous avons essayé de trouver des structures de loisirs pour envoyer les enfants, mais cela est très rare. Ici, à l’école, nous proposons peu de loisirs car les parents n’y seraient pas favorables. L’école est perçue comme un lieu où l’on doit travailler dur et ne pas s’amuser. Une des conséquences est que les enfants béninois n’apprennent pas à gérer leur liberté de mouvement, dans le respect des règles de sécurité et de bienveillance envers leurs camarades, lorsqu’ils sont livrés à eux-mêmes. Il y a un gros travail à faire à ce niveau-là et les activités de loisir peuvent les aider à se structurer.
Pourquoi n’existe-t-il pas de structures dédiées au jeu au Bénin ?
Les parents préfèrent investir sur l’avenir professionnel de leurs enfants, sur l’école, et ne voient pas l’intérêt du jeu. L’enfant n’est pas perçu comme tel, avec ses besoins et son développement psychique propre, mais comme un futur adulte qui doit travailler dur pour accéder à ce statut. D’autre part, le loisir ne peut commencer à se développer que lorsque les besoins primaires sont satisfaits, ce qui n’est pas toujours le cas ici.
Je suis en tous cas très intéressée par le projet d’une structure dédiée au jeu et aux loisirs. Nous pourrions y envoyer nos élèves. J’aime beaucoup cette idée !
Propos recueillis par Donatienne